Communication de l’ASSOCIATION LES AMIS DE MAX MARCHAND, DE MOULOUD FERAOUN ET DE LEURS COMPAGNONS (suite)

31 janvier 2022

À la suite de la publication de ma mise au point sur le discours du Président de la République le mercredi 26 janvier 2022 devant des associations de rapatriés et des élus d’extrême droite, Benjamin Stora m’a adressé le 29 janvier le mail suivant :

Monsieur,

J’ai reçu votre communiqué par l’intermédiaire de l’association « coup de soleil » à propos du discours prononcé par le Président de la République sur les Français d’Algérie. Vous me qualifiez « d’historien de la présidence », terme injurieux et blessant. Je n’ai pas touché un centime pour la rédaction de mon rapport, et je ne dispose d’aucun moyen donné par l’Elysée pour l’écriture de mon travail d’historien (commencé il y a plus de 40 ans). Vous continuez à manifester à mon égard une grande hostilité personnelle, où se mêlent appréciations politiques et insultes, que je ne comprends pas.

Bonjour Benjamin Stora,

Le syntagme « historien de la présidence » n’est aucunement une injure car vous êtes devenu, volens nolens, le bénévole Conseiller histoire d’E. Macron, lequel s’inspire très régulièrement de votre rapport pour orienter sa politique mémorielle concernant la guerre d’Algérie.

J’ignore quelles sont vos opinions politiques ?

En réalité, et vous le savez très bien, l’origine de notre conflit réside dans votre écriture partisane sur les 16 derniers mois de la guerre d’Algérie et sur la terreur pratiquée par l’OAS.

Dès 1992, pendant que je travaillais sur L’assassinat de Château-Royal, la lecture de vos ouvrages avait soulevé ma méfiance devant la frilosité de votre écriture, dès lors qu’il s’agissait des forfaits commis par l’OAS. C’est pourquoi l’association Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons vous avait invité à son colloque le 15 mars 1993, à Evreux, pour vous entendre et vous étiez venu avec votre épouse. Vous avez été adhérent. Vous avez été rendu destinataire de la revue Le Lien, même après le non renouvellement de votre adhésion.

Le fait que l’OAS soit une organisation française à majorité pied-noir, cette communauté à laquelle vous et moi appartenons, obscurcit votre objectivité d’historien au point de vous faire écrire une contre vérité dans la préconisation n° 2, page 96 de votre rapport :

Un geste pourrait être l’inclusion dans le décret 2003-925 du 26 septembre 2003 instituant une journée nationale d’hommage aux morts pour la France pendant la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie d’un paragraphe dédié au souvenir et à l’œuvre des femmes et des hommes qui ont vécu dans des territoires autrefois français et qui ont cru devoir les quitter à la suite de leur accession à la souveraineté.

Mais pas du tout ! Lorsque la Tunisie et le Maroc en 1956, puis sept pays d’Afrique noire en 1960 ont accédé à la souveraineté, les Français sont restés. Si ma famille pied-noire, et avec elle des centaines de milliers de nos compatriotes ont cru devoir fuir l’Algérie, c’est uniquement par peur de représailles à la suite des horreurs commises par l’OAS contre les Algériens.

Vous, historien universitaire, en arrivez à déconsidérer votre travail commencé il y a 40 ans, pour dissimuler la responsabilité des singes sanglants de l’OAS qui, par calculs imbéciles pour maintenir la colonisation en Algérie, ont finalement provoqué l’exode des Européens qu’ils prétendaient défendre !

À propos du massacre du 15 mars 1962, au cours duquel mon père et ses 5 collègues des Centres sociaux éducatifs ont été froidement mitraillés par des tueurs de l’OAS, Pierre Vidal-Naquet m’avait écrit une lettre, jointe à tous les exemplaires de L’Assassinat de Château royal :

« Français, j’estime toujours que les crimes français sont plus anciens, plus nombreux et en dernière analyse, plus graves. Les crimes de l’OAS sont aussi nos crimes. »

À l’opposé, une sorte de mauvaise conscience parcourt tout votre rapport au Président de la République, elle biaise votre regard professionnel et vous pousse à occulter ou à bémoliser les crimes commis par la France pendant toute la période coloniale, et pas seulement ceux dont l’OAS s’est rendu coupable.

 

Dans la mesure où votre rapport ne recommande rien en faveur de la mémoire des 2700 victimes de l’OAS, vous empêchez le Président de la République de leur rendre hommage et de parfaire ainsi sa politique de réconciliation des mémoires blessées de la guerre d’Algérie.

Il faut vous reprendre Mr Stora, et inciter Bruno Roger-Petit, le conseiller mémoire de l’Elysée, à recommander au Chef de l’État d’honorer sans tarder la mémoire de toutes les victimes de l’OAS en Algérie et en France, ce qui constituerait un grand moment de réconciliation entre les deux rives de la Méditerranée auquel vous aurez ainsi contribué.

Plusieurs opportunités se présentent :

  • le 8 février au métro Charonne,
  • le 15 mars au ministère de la Transformation et de la Fonction publiques,
  • le 19 mars au cimetière du Père Lachaise ou dans tout autre haut lieu de mémoire.

Aidez-nous, Benjamin Stora, aidez-nous !

Jean-Philippe Ould Aoudia

  1. Vous prenez à témoin Gilles Manceron et Georges Morin.

Je suis adhérent de la section toulonnaise de la LDH, en fidélité à la mémoire de François Nadiras, une vigie de la République qui ne manquait aucune occasion de dénoncer la bienveillance coupable des autorités face aux anciens criminels de l’OAS.

À l’Arc de Triomphe, Gilles Manceron était présent lors de nos protestations contre les hommages rendus aux participants à la tentative d’insurrection du 26 mars 1962.

Quant à Georges Morin, il m’a raconté à plusieurs reprises le désespoir de son père à l’annonce de l’assassinat des six dirigeants des Centres sociaux éducatifs le 15 mars 1962.

Je ne doute pas un seul instant que nos deux amis déplorent eux-aussi l’absence d’hommage officiel aux victimes de l’OAS dont vous porterez la responsabilité devant l’histoire.

 

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