Propagande française contre le FLN

Le contexte :

Le ralliement de la population musulmane à la cause indépendantiste ou son attachement à la présence française sont des enjeux majeurs pendant la guerre d’Algérie.

Les indépendantistes ne peuvent pas disposer des mêmes outils de propagande que les autorités françaises (pas de journaux, absence d’affiches, etc). Cette propagande s’effectue directement auprès des musulmans par les combattants de l’ALN ou par des ralliés à la cause indépendantiste. Les témoignages de cette propagande sont difficiles à montrer à nos élèves mais on en trouve des traces dans certains écrits comme dans le journal de Mouloud Feraoun*. Plusieurs registres sont utilisés : le projet indépendantiste (donc le nationalisme) et la mobilisation des valeurs de l’Islam. Certains éléments s’efforcent d’imposer à la population musulmane des règles de conduite telles que l’interdiction de fumer et l’interdiction de consommer de l’alcool.

Les demandes concrètes portent principalement sur la nécessité de soutenir les moudjahidin (voir ci-dessous l’extrait de l’appel de l’ALN du 1er novembre 1954**). La population doit payer l’impôt révolutionnaire, abriter/ ravitailler les combattants, renseigner l’ALN sur les mouvements des troupes françaises, se détacher de ceux qui sont désignés comme des relais de la puissance coloniale (par exemple les gardes-champêtres).

La puissance coloniale dispose de moyens tels que la presse qui dépeint les moudjahidin comme des terroristes et l’armée se fait le relai d’une propagande allant dans le même sens, soulignant l’apport de la puissance coloniale. La pression sur la population musulmane s’effectue également par l’intimidation (interrogatoires, disparitions…)

L‘intérêt du document :

Ce document est plus riche que de nombreux exemples figurant dans les manuels, car il permet de travailler, en creux, sur les méthodes de l’ALN, évidemment délégitimées dans ce document de propagande.

Que donne-t-il à voir :

  • Une population musulmane, laborieuse et paisible, inscrite dans la tradition culturelle comme l’indique la tenue vestimentaire
  • Des fellaghas (terme péjoratif tiré d’un mot arabe signifiant « pourfendeur, bandit de grand chemin ») en treillis, extorquant sous la menace d’une mitraillette l’argent gagné grâce au travail
  • Un flot de billets illustrant la pression exercée par le « racket »… qui est utilisé à d’autres fins que celles énoncées par les préleveurs
  • Les bénéficiaires du racket, à savoir les chefs de la rébellion, vivant dans l’opulence à l’étranger. L’image donnée de ces chefs est particulièrement négative puisqu’ils tournent le dos à l’identité musulmane : costume occidental, consommation d’alcool et de tabac et fréquentation de femmes vêtues à l’occidentale, présentées sans pudeur (absence de voile, poitrine dénudée, collier dont il est sous-entendu qu’il a été acheté avec l’argent détourné.
  • Une inscription bilingue : français/arabe, mais le document par sa simplicité peut être compris par un analphabète.
  • Une conclusion implicite mais claire : la France peut vous protéger contre les terroristes qui vous mentent et vous volent

Questions aux élèves :

Avant une reprise de l’enseignant, les lycéens peuvent être confrontés au document brut avec la tâche d’en commenter les éléments et d’identifier l’auteur (ici collectif) et l’intention.

Extension :

À partir de ce document, l’enseignant peut développer en utilisant les informations mentionnées dans la partie « contexte » (voir plus haut). À propos du financement de la lutte indépendantiste, l’occasion est donnée de rappeler que des Français, sympathisants de la cause indépendantiste, ont été des « porteurs de valises », transférant aux indépendantistes musulmans les sommes récoltées notamment en métropole.

Le document permet ainsi d’aborder les fractures à l’intérieur de l’opinion française.

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*Mouloud Feraoun, Journal,1955-1962, Points P 2678

**Extrait de l’appel de l’ALN (Armée de Libération Nationale), le 1er novembre 1954

« nous t’appelons à reconquérir ta liberté au prix de ton sang (…) Se désintéresser de la lutte est un crime. Contrecarrer l’action est une trahison (…) Dieu est avec les combattants des causes justes, et nulle force ne peut les arrêter, désormais, hormis la mort glorieuse ou la libération nationale. Vive l’armée de libération ! Vive l’Algérie indépendante ! « 

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Fiche réalisée par Claude Basuyau

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