L’enseignement de la guerre d’Algérie est un sujet particulièrement délicat en raison de la complexité des faits à présenter, de l’imbrication des échelles à prendre en compte (espace algérien, espace national, espace international), de l’évolution même du conflit, de la diversité des acteurs sans compter que les déchirures internes tant en Algérie qu’en France font de ce conflit une guerre civile algéro-algérienne et une quasi guerre civile franco-française dont les traces mémorielles sont toujours vives et risquent d’influencer les représentations préalables des élèves.
Voici un tableau qui peut faciliter le travail de l’enseignant en lui proposant une liste d’objectifs à balayer tout au long du cours.
Il s’agit de faire comprendre :
– le poids de l’histoire (un territoire contrôlé dès 1830, au moins pour une partie)
– une intégration particulière à la France : terre de peuplement (pas seulement de Français d’origine), statut de départements
– l’impossibilité de faire réellement évoluer le statut du colonisé malgré diverses tentatives (projet de royaume arabe de Napoléon III, projet Blum-Violette…)
– le poids d’un contexte international bouleversé par la Seconde Guerre mondiale : les grandes puissances hostiles au fait colonial, soutien grandissant de l’ONU aux mouvement d’émancipation, la décolonisation en marche à l’échelle planétaire… un contexte dans lequel les puissances coloniales n’ont plus les moyens de jouer les premiers rôles
– la radicalisation des demandes des colonisés devant le front du refus opposé par les Européens d’Algérie
– le sentiment profond des Européens d’avoir « fait l’Algérie » et d’y vivre en toute légitimité
– les facteurs nouveaux qui surgissent, pendant la guerre, pour s’opposer à l’indépendance d’un territoire regorgeant d’hydrocarbures et devenu terre d’expérimentation nucléaire
– le poids des facteurs psychologiques comme le traumatisme d’une armée de métier à l’issue de la guerre d’Indochine
– la complexité des rapports entre « Musulmans » et « Européens » qui se traduit par des clivages conduisant à la guerre civile (Harkis/ FLN)
– les enjeux de pouvoir entre Algériens (compétition entre FLN et MNA)
– le quadrillage efficace de l’armée française n’empêche pas la victoire diplomatique des insurgés soutenus par l’opinion internationale
– les clivages grandissants entre les Européens d’Algérie et partisans de l’ Algérie française d’une part et, d’autre part, une population métropolitaine qui découvre la réalité d’une guerre à travers le l’envoi du contingent et l’engagement d’intellectuels et de militants contre la guerre en Algérie : une quasi guerre civile
– le poids de la crise morale autour des méthodes employées pour combattre l’insurrection (notamment l’usage de la torture) dans un pays qui sort quasiment d’une occupation étrangère
– les répercussions majeures politiques : mort de la IVe République, naissance de la Ve république, retour de de Gaulle aux responsabilités
– la difficulté de de Gaulle à sortir de la guerre d’Algérie : tentative de putsch, quasi état de guerre civile, actions de l’OAS, motivations de de Gaulle dans le choix de l’autodétermination.
PS / les conflits de mémoires (et notamment les rapports entre Histoire et mémoires) peuvent être évoqués en accroche du cours. Ceci dans l’optique de susciter à la fois la curiosité des élèves et de faire naître un besoin d’Histoire.
Proposition de Claude Basuyau