Jacques Frémaux, Algérie 1830-1914. Naissance et destin d’une colonie, Desclée de Brouwer, 2019, 227 pages.
L’ouvrage de l’historien Jacques Frémaux a pour origine une douzaine de cours, donnés en 2016/2017, couvrant la période s’étendant de la conquête d’Alger en 1830 jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale. Bien qu’extrêmement dense en informations, l’ouvrage conserve une grande lisibilité.
Après avoir dressé un portrait de l’Algérie d’avant 1830, l’historien présente les différentes phases de la conquête, de la prise d’Alger à la répression des révoltes récurrentes au cours du XIXe siècle. La conquête, d’une grande violence, est replacée dans son contexte national et international.
Les pages consacrées à l’organisation de la conquête et à l’immigration européenne font une large part aux débats qui l’accompagnent. Occupation restreinte ? Occupation totale ? Débats tant en France métropolitaine qu’au sein des « Européens d’Algérie » : évolution du statut du territoire de l’Algérie, de la colonie à la départementalisation, statut des différents immigrants (vagues de naturalisation ), place des populations indigènes etc. La confiscation des terres indigènes est largement abordée dans ses multiples modalités.
Emerge clairement une forte identité des « Européens d’Algérie », du mouvement coloniste partisan de l’assimilation avec la France métropolitaine ; une identité en rivalité avec le pouvoir militaire tant du gouverneur que des bureaux arabes, une identité hostile vis-à-vis de projets quelle juge trop favorables à l’égard des populations autochtones comme l’annonce d’un « royaume arabe » ou certaines déclarations de Jules Ferry.
La fin de l’ouvrage dresse un tableau de la transformation du territoire et de l’économie de l’Algérie coloniale, tout en en soulignant ses limites. Les communautés « européenne » et « musulmane » sont présentées dans leurs complexités et dans les rapports qu’elles entretiennent dans un « vivre ensemble » entre coexistence, méfiance et fusion impossible même si la participation loyale des indigènes à la Première Guerre mondiale montre la solidité du système colonial à cette date.
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L’esprit de l’ouvrage est clairement précisé dans l’introduction quant l’auteur énonce les convictions qui ont soutenu sa rédaction : « la première est le refus de toute déploration des « occasions perdues », si cette vision consiste à imaginer la possibilité d’une « Algérie française ». On verra en effet que, dès le début, l’entreprise, qui reposait sur la domination d’un peuple par un autre, et plus encore sur la substitution d’un peuple à un autre, impliquait une oppression à laquelle seule l’indépendance pouvait mettre fin (…). La seconde conviction est le refus de faire des Français d’Algérie des boucs émissaires : si les Français d’Algérie portent leur part de responsabilité, voire de culpabilité dans le fonctionnement du système colonial, c’est à l’intérieur d’une situation historique imposée par les pouvoirs publics de la métropole et consentis par une opinion métropolitaine que son ignorance des réalités de la colonie excuse en partie ».
L’auteur annonce la parution d’un second ouvrage qui s’achèvera en 1962.
Fiche réalisée par Claude Basuyau